mardi 13 avril 2010

No Comment



Comme chaque année depuis quatre ans, Stéphane Ripon et sa troupe ont mis les voiles au Théâtre de l’Orme. C’est à chaque fois un plaisir de voir débarquer ce chorégraphe en résidence à Bougival. Entouré de toute son équipe, on sent un véritable respect pour le lieu qui les accueille et même une symbiose. Au-delà du professionnalisme et du talent, il y a une incroyable écoute entre cette troupe et cet espace qui rassemble, comme aucun autre peut-être, les spectateurs et les interprètes. Alors on serait amené à lâcher un « no comment » tant le reste n’a presque aucune importance, l’essentiel étant déjà acquis. Mais, au fait, No Comment ne serait-il pas le titre de la nouvelle création de Stéphane Ripon ? Hein ? Je crois bien que oui… Oui… Il semble bien que… C’est ça, oui, No Comment… Parlons-en, tiens !

Au commencement était l’acteur. Celui qui montre et se montre puis qui parle, essaye de comprendre, dire. Tâche bien ingrate surtout quand il faut aussi divertir. Et puis, il y a le corps, celui qu’on ne comprend pas toujours très bien, bouge, souffre, se tord, exulte, s’obstine et finit par dicter sa propre vérité. Stéphane Ripon entame ce dialogue avec ses danseuses (Stépahanie Porcel, Muriel Nicolas, Cécile Anet et Virginie Dissard) et un comédien (Alain Sabarter). Comme il l’affirme lui-même, il ne s’agit pas forcément de comprendre mais juste de se laisser emporter dans cette promiscuité, ce dialogue, cette sueur, ces incompréhensions, le tout entouré d’une élégante distance comique. Pas question de s’embourber dans des concepts mais juste prendre ce moment comme une immense bouffée d’air que l’on inspire et que l’on expire. C’est parfois violent, suffoquent mais c’est surtout libérateur.

Georges Ghika

mercredi 28 octobre 2009

Autoréflexions autour de deux pièces de Duras

Il y a des choses qui sont sans doute de l’ordre de l’indescriptible. La passion, l’amour, la pensée. L’immense Blaise Pascal nous a ouvert les yeux sur ces trois notions mais peut-être pas complètement. Il reste d’ailleurs très difficile de ne pas les refermer tant elles nous éblouissent et risquent de nous rendre aveugles.

Moi : « Lire La Divine comédie, c’est comme regarder le soleil, ça me fatigue très rapidement » disait Joyce.

Tiens, tiens… encore une histoire de passion, de pensée et d’amour difficile à soutenir même pour une des plus grandes intelligences ayant jamais existé : pensée, passion et amour de Dieu, de l’art, de la langue, de Béatrice, de la politique, de l’Homme, de l’Italie, du monde…

Moi : Mais cessons d’être pédants, que diable !

Oui, pauvre petit rat de bibliothèque, il y a peut-être des gens qui savent mieux que toi, qui savent l’incarner, sans passer par tout ce verbiage incompréhensible...

Moi : Qui ?

Mais les comédiens voyons…

Moi : Tous ?

J’aimerais bien pouvoir le dire mais…

Moi : Non !

Euh… Oui…

Moi : Il y en a une en tout cas… Je l’ai vue, samedi dernier… Elle s’appelle Ada d’Albon. Dans Savannah Bay, la pièce de Marguerite Duras. C’était de l’émotion à l’état brut.

Comme de la matière…

Moi : Mais tais-toi donc, c’est moi qui raconte !

Moi bis : Oui, comme de la matière, en effet, guidée par une petite conscience blonde, immatérielle, elle, et qui s’appelle Raphaëlle Guidonnet

Mais on ne peut pas être blonde et immatérielle, voyons !

Moi : Ferme ta bouche ! Oui, blonde, immatérielle, une petite fée bleue un peu espiègle et qui a emmené notre Ada très loin en dehors d’elle-même.

A Oulan-bator ?

Moi : Très drôle… Très loin, ça veut dire vers un ailleurs inexploré, sans frontières, vers ce ou ceux qu’elle aime le plus. Et s’il y a une chose dont je suis sûr, c’est qu’elle sait aimer, Ada.

Et que dire de l’Amante anglaise, de la même Marguerite Duras, qui a suivi Savannah Bay de la même Marguerite Duras, Ada était assise sur une chaise rouge, questionnée par le trublion Gowen Pottiez.

Moi : Et Gowen Pottiez, c’est plutôt fort, je dois dire…

Oui, très fort, évidemment mais revenons à Ada, elle était tout à la fois, le cœur, la raison, le cœur que la raison connaît et ne connaît pas. Elle passait de l’un à l’autre en une fraction de seconde sans jamais sortir de la route qu’elle avait choisie de prendre. Elle était la pensée incarnée en somme.

Moi : Pfff… encore Pascal.

Oui, il y avait tout Pascal, le philosophe de la pensée, chez Ada. D’ailleurs comme elle le dit, si souvent, l’art du comédien, c’est l’art de penser.

Moi : Je crois bien que pour cette raison - l'incarnation de la pensée qui se manifeste si exceptionnellement dans la vie réelle -, le théâtre trouve tout son sens quand il est pratiqué avec autant de maîtrise.

Je suis d’accord avec Moi, enfin toi, mais tu voudrais pas remettre ton pantalon ?

Moi : Pourquoi ?

Parce que j’adore cette réplique et que je ne sais pas comment terminer. Allez, remets ton pantalon, Didi !

Moi : Petit snob…

mercredi 21 octobre 2009

Les Duras commencent samedi

A partir du 24 octobre, les mercredis à 20h30 et les samedis à 17h, Laurent Azimioara met en scène deux pièces de Marguerite Duras Savannah Bay avec Ada d'Albon et Raphaëlle – Joséphine Guidonnet et L'amante anglaise avec Ada d'Albon et Gowen Pottiez.



vendredi 25 septembre 2009

Une critique de Dans le noir...

Critique de Gilles Costaz parue dans Politis au sujet de la pièce Dans le noir... qui se joue jusqu'au 10 Octobre. www.danslenoir-lapiece.fr

Pour la lire, il suffit de cliquer sur l'image.


mardi 15 septembre 2009

Les Guillard chantent Ferré

Les Guillard, père et fils, frère et frère, ami et ami, cousin et cousin… on s’en fout. Les Guillard donc parce que dans les trois y en a deux, l’un à la guitare (Rudy), l’autre à la voix (Philippe). Le troisième, à l’accordéon, c’est Christophe Barennes. Les trois s’arrangent avec Léo Ferré, l’arrangent à leur sauce : tango, guinguette ou blues… Le dérange ? Ah, ça non ! Avec sa voix tantôt rauque, tantôt pure, son allure de dandy de Paname, son indéniable intelligence de la scène donc du cœur, Philippe reste lui-même. Il ne joue pas Ferré, il le redécouvre, vivant, exultant, râlant, dansant… vivant ! On ne s’étonne que celui-là soit aussi comédien et qu’il écrie. On en regrette pas non plus Léo et son charisme de poète maudit. On ne l’oublie pas, on l’aime toujours comme avant, mais on comprend qu’il a laissé une trace indélébile dans la chanson française et peut-être au-delà. Et si on le comprend c’est grâce aux deux… aux trois… Guillard ou pas Guillard, telle n’est vraiment pas la question !

Georges Ghika

Les jeudis : 17 septembre, 1 et 15 octobre, 5 et 19 novembre, 3 et 17 décembre, à 21h.

vendredi 11 septembre 2009

Les cours du Théâtre de l'Orme

A partir de lundi prochain 19h, Ada d’Albon, comédienne, metteur en scène et écrivian, reprendra ses cours de théâtre. Ouverts à tous, le travail sera orienté par rapport aux nécessités de chaque participant : improvisation, techniques habituelles (mémoire, concentration, les racines du geste ….). L’objectif final du cours est soit de créer un spectacle qui sera joué deux fois par semaine entre le 15 mai et la fin juin 2010 (ou à partir de la saison 2010/2011), soit de prendre du plaisir à vivre les émotions de la création artistique.

A partir du samedi 17 octobre, tous les samedis de 10h à 13h, avec le concours de Laurent Azimioara, metteur en scène et directeur du Théâtre de l'Orme, les comédiens Ion Azimioara et Gowen Pottiez animeront un cours intitulé : Spectacle en lecture. Il s'agira d'effectuer un travail d'écoute intérieure de la phrase écrite, d'effectuer un travail sur la voix et le corps pour arriver à mieux se connaître, d'étudier le sentiment, le rythme et l’humour dans l’exploit opéré sur la lecture d’un texte. Et tout cela quel que soit le style du texte : épistolaire, théâtre classique et contemporain, le roman, la bible ou les conférences de tous bords, l’essai philosophique, le journal... Après une période de 70 heures de travail, ils présenteront des Spectacles-Lectures dans la Petite et la Grande Salle du Théâtre de l’Orme.

Cours de théâtre animés par Ada d’Albon tous les lundis de 19h à 22h.
Cours "Spectacle en lecture" animés par Ion Azimioara et Gowen Pottiez, avec le concours de Laurent Azimioara, tous les samedis de 10h à 13h, à partir du 17 octobre.

80€ par mois et par cours.
210€ par trimestre et par cours
680€ pour l’année et par oours.

mercredi 9 septembre 2009

La leçon d'Eugène Ionesco

Présentation d'Ada d'Albon

Personnellement je perçois la pièce d’Eugène Ionesco comme un texte réaliste. L’absurde habite l’être humain, les événements, la vie elle-même, et ce court chef d’œuvre est un concentré du mécanisme aberrant qui fait rouler l’existence.
La relation Professeur-Elève est basée sur une logique qui nous échappe, comme elle nous échappe dans toute autre relation de l’être à l’être.
Qui, en vérité, déclenche l’harmonie, qui déclenche la confusion, qui déclenche la destruction, si ce n’est pas la parole qui est l’élément le plus dévastateur ? Sans parole on suivrait les lois du monde animal où l’entente et le conflit obéissent à des lois bien déterminées. Dès que le mot intervient, l’être humain se déshumanise. On ne se comprend pas soi-même, alors comment comprendre l’autre. On s’oblige à obéir à des règles de politesse pour pouvoir mener un dialogue soi-disant cohérant et harmonieux. Un seul mot suffit pour ouvrir les portes de l’enfer, et voilà que du plus profond de l’être surgissent les sentiments les plus contradictoires dans un état extrême. Le désir charnel (le maître de l’homme) se mêle à la lubricité, au désir démesuré de domination, au désir du pouvoir, au mépris, à la haine, à l’impuissance et à l’orgueil, au manque cruel d’empathie, l’être devient vil et se noie dans la bassesse. Du très haut ce jeu de la nature paraît parfois ludique, parfois pitoyable. Un seul mot a la force d’écourter la vie. L’être humain, l’être social, par définition, est un être enfermé dans une solitude sombre et dangereuse qui le pousse à ressortir la lumière, mais malheureusement, trop souvent, cet être n’est poussé que par le désir, de posséder, de dominer, d’écarter tous les autres de son chemin, d’éliminer, de tuer et finalement son désir profond est d’être toujours seul mais au pic d’une pyramide.
Paradoxalement, cet être solitaire obéit plus que tout, à l’instinct qui appelle à la multiplication. Et quand cet instinct est conjugué à l’inhumain, le désir de tuer remplace l’amour.
Nous ne connaissons pas le mystère de l’existence, car les paroles ne peuvent pas expliquer l’abyme qui nous anime dès avant notre naissance jusqu’à la fin des temps.
C’est pour cela que je trouve le théâtre de Ionesco réaliste et que mon grand souci dans la mise en scène est justement de faire comprendre au public tout ce que je viens de dire, à travers le jeu des comédiens. Je ne désire pas une mise en scène fastueuse, habillée d’artifices extérieurs, mon travail se concentre sur l’interprétation de l’acteur. Tout ce que le comédien dit est le résultat de la vérité profonde qui gît dans chacun de nous. Ce n’est pas par fantaisie stérile que Le Professeur tue L’Elève et qu’il n’ose pas tué Marie. Le texte qui, au lecteur superficiel peut paraître incongru, est sans aucun doute le symbole de toutes les paroles dont le monde entier s’enivre depuis toujours.
La désharmonie du conflit théâtral doit s’exprimer par un rythme harmonieux. Les silences doivent être justifiés. Le monstrueux doit transcender.
C’est une fugue qui mène vers la mort (quoi de plus banal ?) où l’adagio et l’allegro se succèdent, marquant l’état d’esprit et d’âme des personnages et j’espère, révélant ainsi le message d’Eugen Ionesco.

A partir du mois de novembre. Dates et horraires à définir.
Avec Johannna Bouvarel, Iris Carpentier et Gowen Pottiez